SPECIAL DERNIERE – N° 1153 – Samedi 1er Juin 1985
Il lui a fallu douze ans de réflexion et quatre mille pages ! Aujourd’hui François Lacaze, véritable bénédictin de la raquette, l’affirme : » Il existe une vérité du tennis. » Et il le prouve.
A vingt-trois ans, il est classé 2/6 et il fait de la compétition. A vingt-sept ans, il abandonne les tournois pour se consacrer à l’enseignement. Il est actuellement professeur de tennis dans la région parisienne.
Au début, explique-t-il, j’ai eu les pires difficultés avec mes élèves. Quand je leur disais, par exemple, de renoncer à la prise unique, il y en avait toujours un pour me dire : je ne suis pas d’accord avec vous parce qu’on m’a dit… ou parce que j’ai lu… C’était tellement désespérant que j’ai failli renoncer a enseigner. Que pouvais-je répondre, moi, simple prof, lorsqu’on me citait tel ou tel champion ?
La réponse, François Lacaze va la trouver dans les photos de tennismen. Ces quelques photos, au début, m’ont donné envie de poursuivre mes recherches. Aujourd’hui, j’ai huit dossiers, qui permettent de comparer les coups droits, les revers, les services, le smash…, à toutes les époques. Ces huit dossiers s’intitulent » le coup droit « , » les grands coups droits d’attaque « , » les moyens et les mauvais coups droits « , » le revers « , » les erreurs « , » les grands coups droits coupés et les grands revers coupés « , » le service, le smash, la volée et le lob » et » les bonnes formes de préparation au coup droit « . Une véritable encyclopédie du tennis dans le monde, depuis un siècle, en quatre mille pages ! Et une constatation : ce n’est ni le hasard ni la mode qui font un grand champion. La preuve, le cas du français Hervé Gauvain. En 1969, ses professeurs veulent lui faire perdre son revers à deux mains, jugé peu académique. Il lui faudra quatre ans pour revenir sur la scène nationale…, quelques mois avant l’apparition du phénomène Borg qui donne ses lettres de noblesse à ce même revers à deux mains ! C’est ce que l’on peut appeler pudiquement une erreur d’appréciation. On retrouve le même tâtonnement dans certains livres écrits par des champions français au cours de ces dernières années. » Et pourtant, la vérité existe « , affirme François Lacaze, la main sur sa pile de dossiers.
Véritable rat de bibliothèque, ce fou de tennis a retrouvé à peu près tout ce qui s’est écrit sur le tennis, se gardant bien de rajouter la moindre ligne de sa main. Et il a pris contact avec de nombreuses fédérations étrangères. Jour après jour, il complète sa documentation et enrichit sa réflexion. » Je suis entré en recherche comme on entre en religion « , dit-il avec le sourire. Mais nul n’est prophète en son pays. et, malgré ses efforts, le petit prof des Yvelines n’a pas encore trouvé un éditeur qui prenne le risque de publier son travail. L’ex 2/6 ne désespère pourtant pas. » Un jour, dit-il, on s’apercevra que j’ai raison et qu’il y a une vérité mécanique et anatomique du tennis. » De quoi, comme le lui a confié un membre de la fédération française, » bouleverser quelques habitudes » dans l’enseignement de ce sport.